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LIVRE vii.

même. Les Tritons, les Néréides, toutes les divinités qui obéissent à Neptune, les monstres marins même, sortaient de leurs grottes humides et profondes pour venir en foule autour du vaisseau, charmés par cette mélodie. Une troupe de jeunes Phéniciens d’une rare beauté, et vêtus de fin lin plus blanc que la neige, dansèrent longtemps les danses de leur pays, puis celles d’Égypte, et enfin celles de la Grèce. De temps en temps des trompettes faisaient retentir l’onde jusqu’aux rivages éloignés. Le silence de la nuit, le calme de la mer, la lumière tremblante de la lune répandue sur la face des ondes, le sombre azur du ciel semé de brillantes étoiles, servaient à rendre ce spectacle encore plus beau.

Télémaque, d’un naturel vif et sensible, goûtait tous ces plaisirs ; mais il n’osait y livrer son cœur. Depuis qu’il avait éprouvé avec tant de honte, dans l’île de Calypso, combien la jeunesse est prompte à s’enflammer, tous les plaisirs, même les plus innocents, lui faisaient peur ; tout lui était suspect. Il regardait Mentor ; il cherchait sur son visage et dans ses yeux ce qu’il devait penser de tous ces plaisirs.

Mentor était bien aise de le voir dans cet embarras, et ne faisait pas semblant de le remarquer. Enfin, touché de la modération de Télémaque, il lui dit en souriant : Je comprends ce que vous craignez : vous êtes louable de cette crainte ; mais il ne faut pas la pousser trop loin. Personne ne souhaitera jamais plus que moi que vous goûtiez des plaisirs, mais des plaisirs qui ne vous passionnent ni ne vous amollissent point. Il vous faut des plaisirs qui vous délassent, et que vous goûtiez en vous possédant, mais non pas des plaisirs qui vous entraînent. Je vous souhaite des plaisirs doux et modérés, qui ne