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TÉLÉMAQUE.

vous m’avez parlé d’un voyage que vous fîtes dans la Bétique depuis que nous fûmes partis d’Égypte. La Bétique est un pays dont on raconte tant de merveilles qu’à peine peut-on les croire. Daignez m’apprendre si tout ce qu’on en dit est vrai. Je serai fort aise, répondit Adoam, de vous dépeindre ce fameux pays, digne de votre curiosité, et qui surpasse tout ce que la renommée en publie. Aussitôt il commença ainsi :

Le fleuve Bétis coule dans un pays fertile, et sous un ciel doux, qui est toujours serein. Le pays a pris le nom du fleuve, qui se jette dans le grand Océan, assez près des colonnes d’Hercule, et de cet endroit où la mer furieuse rompant ses digues, sépara autrefois la terre de Tharsis d’avec la grande Afrique. Ce pays semble avoir conservé les délices de l’âge d’or. Les hivers y sont tièdes, et les rigoureux aquilons n’y soufflent jamais. L’ardeur de l’été y est toujours tempérée par des zéphirs rafraîchissants, qui viennent adoucir l’air vers le milieu du jour. Ainsi toute l’année n’est qu’un heureux hymen du printemps et de l’automne, qui semblent se donner la main. La terre, dans les vallons et dans les campagnes unies, porte chaque année une double moisson. Les chemins y sont bordés de lauriers, de grenadiers, de jasmins, et d’autres arbres toujours verts et toujours fleuris. Les montagnes sont couvertes de troupeaux, qui fournissent des laines fines recherchées de toutes les nations connues. Il y a plusieurs mines d’or et d’argent dans ce beau pays ; mais les habitants, simples et heureux dans leur simplicité, ne daignent pas seulement compter l’or et l’argent parmi leurs richesses ; ils n’estiment que ce qui sert véritablement aux besoins de l’homme.

Quand nous avons commencé à faire notre commerce