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LIVRE viii.

rent éblouis, comme ceux des mortels le sont, quand Phébus, après une longue nuit, vient les éclairer par ses rayons. Ils se regardaient les uns les autres avec étonnement, et leurs yeux revenaient toujours sur Vénus ; mais ils aperçurent que les yeux de cette déesse étaient baignés de larmes, et qu’une douleur amère était peinte sur son visage.

Cependant elle s’avançait vers le trône de Jupiter, d’une démarche douce et légère, comme le vol rapide d’un oiseau qui fend l’espace immense des airs. Il la regarda avec complaisance ; il lui fit un doux souris ; et, se levant, il l’embrassa. Ma chère fille, lui dit-il, quelle est votre peine ? Je ne puis voir vos larmes sans en être touché : ne craignez point de m’ouvrir votre cœur ; vous connaissez ma tendresse et ma complaisance.

Vénus lui répondit d’une voix douce, mais entrecoupée de profonds soupirs : Ô père des dieux et des hommes, vous qui voyez tout, pouvez-vous ignorer ce qui fait ma peine ? Minerve ne s’est pas contentée d’avoir renversé jusqu’aux fondements la superbe ville de Troie, que je défendais, et de s’être vengée de Pâris, qui avait préféré ma beauté à la sienne ; elle conduit par toutes les terres et par toutes les mers le fils d’Ulysse, ce cruel destructeur de Troie. Télémaque est accompagné par Minerve ; c’est ce qui empêche qu’elle ne paraisse ici en son rang avec les autres divinités. Elle a conduit ce jeune téméraire dans l’île de Chypre pour m’outrager. Il a méprisé ma puissance ; il n’a pas daigné seulement brûler de l’encens sur mes autels : il a témoigné avoir horreur des fêtes que l’on célèbre en mon honneur ; il a fermé son cœur à tous mes plaisirs. En vain Neptune, pour le punir, à ma prière, a irrité les vents et les flots contre lui : Télémaque, jeté par un nau-