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TÉLÉMAQUE.

ment des rides qui viennent sur le visage, pendant que le cœur s’exerce et se fortifie dans la vertu. Au reste, sachez que les rois s’usent toujours plus que les autres hommes. Dans l’adversité, les peines de l’esprit et les travaux du corps les font vieillir avant le temps. Dans la prospérité, les délices d’une vie molle les usent bien plus encore que tous les travaux de la guerre. Bien n’est si malsain que les plaisirs où l’on ne peut se modérer. De là vient que les rois, et en paix, et en guerre, ont toujours des peines et des plaisirs qui font venir la vieillesse avant l’âge où elle doit venir naturellement. Une vie sobre, modérée, simple, exempte d’inquiétudes et de passions, réglée et laborieuse, retient dans les membres d’un homme sage la vive jeunesse, qui, sans ces précautions, est toujours prête à s’envoler sar les ailes du Temps.

Idoménée, charmé du discours de Mentor, l’eût écouté longtemps, si on ne fût venu l’avertir pour un sacrifice qu’il devait faire à Jupiter. Télémaque et Mentor le suivirent, environnés d’une grande foule de peuple, qui considérait avec empressement et curiosité ces deux étrangers. Les Salentins se disaient les uns aux autres : Ces deux hommes sont bien différents ! Le jeune a je ne sais quoi de vif et d’aimable ; toutes les grâces de la beauté et de la jeunesse sont répandues sur son visage et sur tout son corps : mais cette beauté n’a rien de mou ni d’efféminé ; avec cette fleur si tendre de la jeunesse, il paraît vigoureux, robuste, endurci au travail. Mais cet autre, quoique bien plus âgé, n’a encore rien perdu de sa force : sa mine paraît d’abord moins haute, et son visage moins gracieux ; mais quand on le regarde de près, on trouve dans sa simplicité des marques de sagesse et de vertu, avec une noblesse qui étonne. Quand les dieux sont descendus sur