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LIVRE viii.

tes travaux surpassent ceux de ton père ; le fier ennemi gémit dans la poussière sous ton glaive ; les portes d’airain, les inaccessibles remparts tombent à tes pieds. Ô grande déesse, que son père… Ô jeune homme, tu verras enfin… À ces mots, la parole meurt dans sa bouche, et il demeure, comme malgré lui, dans un silence plein d’étonnement.

Tout le peuple est glacé de crainte. Idoménée, tremblant, n’ose lui demander qu’il achève. Télémaque même, surpris, comprend à peine ce qu’il vient d’entendre ; à peine peut-il croire qu’il ait entendu ces hautes prédictions. Mentor est le seul que l’esprit divin n’a point étonné. Vous entendez, dit-il, le dessein des dieux. Contre quelque nation que vous ayez à combattre, la victoire sera dans vos mains, et vous devrez au jeune fils de votre ami le bonheur de vos armes. N’en soyez point jaloux ; profitez seulement de ce que les dieux vous donnent par lui.

Idoménée, n’étant pas encore revenu de son étonnement, cherchait en vain des paroles ; sa langue demeurait immobile. Télémaque, plus prompt, dit à Mentor : Tant de gloire promise ne me touche point ; mais que peuvent donc signifier ces dernières paroles : Tu verras… ? Est-ce mon père, ou seulement Ithaque ? Hélas ! que n’a-t-il achevé ! il m’a laissé plus en doute que je n’étais. Ô Ulysse, ô mon père, serait-ce vous, vous-même que je dois voir ? Serait-il vrai ? Mais je me flatte. Cruel oracle ! tu prends plaisir à te jouer d’un malheureux ; encore une parole, et j’étais au comble du bonheur.

Mentor lui dit : Respectez ce que les dieux découvrent, et n’entreprenez point de découvrir ce qu’ils veulent cacher. Une curiosité téméraire mérite d’être confondue. C’est par une sagesse pleine de bonté, que les dieux