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TÉLÉMAQUE.

que vous recevez cette leçon de modération et de générosité.

Ceux d’entre les nôtres qui furent ainsi renvoyés par ces barbares, revinrent dans le camp, et racontèrent ce qui leur était arrivé. Nos soldats en furent émus ; ils eurent honte de voir que des Crétois dussent la vie à cette troupe d’hommes fugitifs, qui leur paraissaient ressembler plutôt à des ours qu’à des hommes : ils s’en allèrent à la chasse en plus grand nombre que les premiers, et avec toutes sortes d’armes. Bientôt ils rencontrèrent les sauvages et les attaquèrent. Le combat fut cruel. Les traits volaient de part et d’autre, comme la grêle tombe dans une campagne pendant un orage. Les sauvages furent contraints de se retirer dans leurs montagnes escarpées, où les nôtres n’osèrent s’engager.

Peu de temps après, ces peuples envoyèrent vers moi deux de leurs plus sages vieillards, qui venaient me demander la paix. Ils m’apportèrent des présents : c’étaient des peaux des bêtes farouches qu’ils avaient tuées, et des fruits du pays. Après m’avoir donné leurs présents, ils parlèrent ainsi :

Ô roi ! nous tenons, comme tu vois dans une main l’épée, et dans l’autre une branche d’olivier. (En effet, ils tenaient l’une et l’autre dans leurs mains.) Voilà la paix et la guerre : choisis. Nous aimerions mieux la paix ; c’est pour l’amour d’elle que nous n’avons point eu de honte de te céder le doux rivage de la mer, où le soleil rend la terre fertile, et produit tant de fruits délicieux. La paix est plus douce que tous ces fruits : c’est pour elle que nous nous sommes retirés dans ces hautes montagnes toujours couvertes de glace et de neige, où l’on ne voit jamais ni