Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
174
TÉLÉMAQUE.

des bras plus nerveux et des muscles mieux nourris que ceux de nos athlètes. Je répondis à ces deux envoyés que je désirais la paix. Nous réglâmes ensemble de bonne foi plusieurs conditions ; nous prîmes tous les dieux à témoin ; et je renvoyai ces hommes chez eux avec des présents.

Mais les dieux, qui m’avaient chassé du royaume de mes ancêtres, n’étaient pas encore lassés de me persécuter. Nos chasseurs, qui ne pouvaient pas être sitôt avertis de la paix que nous venions de faire, rencontrèrent le même jour une grande troupe de ces barbares qui accompagnaient leurs envoyés, lorsqu’ils revenaient de notre camp ; ils les attaquèrent avec fureur, en tuèrent une partie et poursuivirent le reste dans les bois. Voilà la guerre rallumée. Ces barbares croient qu’ils ne peuvent plus se fier ni à nos promesses ni à nos serments.

Pour être plus puissants contre nous, ils appellent à leur secours les Locriens, les Apuliens, les Lucaniens, les Brutiens, les peuples de Crotone, de Nérite, de Messapie et de Brindes. Les Lucaniens viennent avec des chariots armés de faux tranchantes. Parmi les Apuliens, chacun est couvert de quelque peau de bête farouche qu’il a tuée ; ils portent des massues pleines de gros nœuds, et garnies de pointes de fer ; ils sont presque de la taille des géants, et leurs corps se rendent si robustes, par les exercices pénibles auxquels ils s’adonnent, que leur seule vue épouvante. Les Locriens, venus de la Grèce, sentent encore leur origine, et sont plus humains que les autres ; mais ils ont joint à l’exacte discipline des troupes grecques la vigueur des barbares, et l’habitude de mener une vie dure, ce qui les rend invincibles. Ils portent des boucliers légers, qui sont faits d’un tissu d’osier et couverts de peaux ; leurs