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TÉLÉMAQUE.

expédient pour faire en sorte qu’on puisse se confier à lui, et s’assurer d’une bonne paix, tous les peuples que vous voyez ici quitteront volontiers les armes ; et nous avouerons avec joie que vous nous surpassez en sagesse.

Mentor lui répondit : Sage Nestor, vous savez qu’Ulysse m’avait confié son fils Télémaque. Ce jeune homme, impatient de découvrir la destinée de son père, passa chez vous à Pylos, et vous le reçûtes avec tous les soins qu’il pouvait attendre d’un fidèle ami de son père ; vous lui donnâtes même votre fils pour le conduire. Il entreprit ensuite de longs voyages sur la mer ; il a vu la Sicile, l’Égypte, l’île de Chypre, celle de Crète. Les vents, ou plutôt les dieux, l’ont jeté sur cette côte comme il voulait retourner à Ithaque. Nous sommes arrivés ici tout à propos pour vous épargner les horreurs d’une cruelle guerre. Ce n’est plus Idoménée, c’est le fils du sage Ulysse, c’est moi qui vous réponds de toutes les choses qui vous seront promises.

Pendant que Mentor parlait ainsi avec Nestor, au milieu des troupes confédérées, Idoménée et Télémaque, avec tous les Crétois armés, les regardaient du haut des murs de Salente ; ils étalent attentifs pour remarquer comment les discours de Mentor seraient reçus, et ils auraient voulu pouvoir entendre les sages entretiens de ces deux vieillards. Nestor avait toujours passé pour le plus expérimenté et le plus éloquent de tous les rois de la Grèce. C’était lui qui modérait, pendant le siège de Troie, le bouillant courroux d’Achille, l’orgueil d’Agamemnon, la fierté d’Ajax, et le courage impétueux de Diomède. La douce persuasion coulait de ses lèvres comme un ruisseau de miel : sa voix seule se faisait entendre à tous ces héros ; tous se taisaient dès qu’il ouvrait la bouche ; et il n’y avait que lui qui pût apaiser dans le camp la farouche discorde.