Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/206

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
189
LIVRE ix.

pour troubler notre paix, et pour nous punir de nos fautes ! Mais après nous avoir punis, ô dieux ! vous nous vengerez ; vous ne serez pas moins justes contre nos ennemis que contre nous.

À ces paroles, toute l’assemblée parut émue ; il semblait que Mars et Bellone allaient de rang en rang rallumant dans les cœurs la fureur des combats, que Mentor tâchait d’éteindre. Il reprit ainsi la parole :

Si je n’avais que des promesses à vous faire, vous pourriez refuser de vous y fier ; mais je vous offre des choses certaines et présentes. Si vous n’êtes pas contents d’avoir pour otages Télémaque et moi, je vous ferai donner douze des plus nobles et des plus vaillants Crétois. Mais il est juste aussi que vous donniez de votre côté des otages ; car Idoménée, qui désire sincèrement la paix, la désire sans crainte et sans bassesse. Il désire la paix, comme vous dites vous-mêmes que vous l’avez désirée, par sagesse et par modération, mais non par l’amour d’une vie molle, ou par faiblesse à la vue des dangers dont la guerre menace les hommes. Il est prêt à périr ou à vaincre ; mais il aime mieux la paix que la victoire la plus éclatante. Il aurait honte de craindre d’être vaincu, mais il craint d’être injuste, et il n’a point de honte de vouloir réparer ses fautes. Les armes à la main, il vous offre la paix : il ne veut point en imposer les conditions avec hauteur ; car il ne fait aucun cas d’une paix forcée. Il veut une paix dont tous les partis soient contents, qui finisse toutes les jalousies, qui apaise tous les ressentiments, et qui guérisse toutes les défiances. En un mot, Idoménée est dans les sentiments où je suis sûr que vous voudriez qu’il fût. Il n’est question que de vous en persuader. La persuasion ne sera pas difficile, si vous voulez m’écouter avec un esprit dégagé et tranquille.