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LIVRE i.

se mirent à chanter. D’abord elles chantèrent le combat des dieux contre les géants, puis les amours de Jupiter et de Sémélé, la naissance de Bacchus et son éducation conduite par le vieux Silène, la course d’Atalante et d’Hippomène, qui fut vainqueur par le moyen des pommes d’or venues du jardin des Hespérides ; enfin la guerre de Troie fut aussi chantée ; les combats d’Ulysse et sa sagesse furent élevés jusqu’aux cieux. La première des nymphes, qui s’appelait Leucothoé, joignit les accords de sa lyre à ces douces voix de toutes les autres. Quand Télémaque entendit le nom de son père, les larmes qui coulèrent le long de ses joues donnèrent un nouveau lustre à sa beauté. Mais comme Calypso aperçut qu’il ne pouvait manger, et qu’il était saisi de douleur, elle fit signe aux nymphes. À l’instant, on chanta le combat des Centaures avec les Lapithes, et la descente d’Orphée aux enfers pour en retirer Eurydice.

Quand le repas fut fini, la déesse prit Télémaque, et lui parla ainsi : Vous voyez, fils du grand Ulysse, avec quelle faveur je vous reçois. Je suis immortelle : nul mortel ne peut entrer dans cette île sans être puni de sa témérité, et votre naufrage même ne vous garantirait pas de mon indignation, si d’ailleurs je ne vous aimais. Votre père a eu le même bonheur que vous ; mais hélas ! il n’a pas su en profiter. Je l’ai gardé longtemps dans cette île : il n’a tenu qu’à lui d’y vivre avec moi dans un état immortel ; mais l’aveugle passion de revoir sa misérable patrie lui fit rejeter tous ces avantages. Vous voyez tout ce qu’il a perdu pour revoir Ithaque, qu’il n’a pu revoir. Il voulut me quitter ; il partit ; et je fus vengée par la tempête : son vaisseau, après avoir été le jouet des vents, fut enseveli dans les ondes. Profitez d’un si triste exem-