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LIVRE x.

sant plus heureux, plus rempli de gloire, que tous les conquérants qui ravagent tant de royaumes.

Que ferai-je donc à l’égard de ces rois ? répondit Idoménée ; leur avouerai-je ma faiblesse ? il est vrai que j’ai négligé l’agriculture, et même le commerce, qui m’est si facile sur cette côte : je n’ai songé qu’à faire une ville magnifique. Faudra-t-il donc, mon cher Mentor, me déshonorer dans l’assemblée de tant de rois, et découvrir mon imprudence ? S’il le faut, je le veux ; je le ferai sans hésiter, quoi qu’il m’en coûte ; car vous m’avez appris qu’un vrai roi, qui est fait pour ses peuples, et qui se doit tout entier à eux, doit préférer le salut de son royaume à sa propre réputation.

Ce sentiment est digne du père des peuples, reprit Mentor ; c’est à cette bonté, et non à la vaine magnificence de votre ville, que je reconnais en vous le cœur d’un vrai roi. Mais il faut ménager votre honneur, pour l’intérêt même de votre royaume. Laissez-moi faire, je vais faire entendre à ces rois que vous êtes engagé à rétablir Ulysse, s’il est encore vivant, ou du moins son fils, dans la puissance royale, à Ithaque, et que vous voulez en chasser par force tous les amants de Pénélope. Ils n’auront pas de peine à comprendre que cette guerre demande des troupes nombreuses. Ainsi, ils consentiront que vous ne leur donniez d’abord qu’un faible secours contre les Dauniens.

À ces mots, Idoménée parut comme un homme qu’on soulage d’un fardeau accablant. Vous sauvez, cher ami, dit-il à Mentor, mon honneur, et la réputation de cette ville naissante, dont vous cacherez l’épuisement à tous mes voisins. Mais quelle apparence de dire que je veux envoyer des troupes à Ithaque pour y rétablir Ulysse, ou