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LIVRE x.

venus par un faux ami qui flattait mes passions, dans l’espérance que je flatterais à mon tour les siennes.

Mentor fit aisément entendre aux rois alliés qu’Idoménée devait se charger des affaires de Télémaque, pendant que celui-ci irait avec eux. Ils se contentèrent d’avoir dans leur armée le jeune fils d’Ulysse avec cent jeunes Crétois qu’Idoménée lui donna pour l’accompagner ; c’était la fleur de la jeune noblesse que ce roi avait emmenée de Crète. Mentor lui avait conseillé de les envoyer dans cette guerre. Il faut, disait-il, avoir soin, pendant la paix, de multiplier le peuple ; mais, de peur que toute la nation ne s’amollisse, et ne tombe dans l’ignorance de la guerre, il faut envoyer dans les guerres étrangères la jeune noblesse. Ceux-là suffisent pour entretenir toute la nation dans une émulation de gloire, dans l’amour des armes, dans le mépris des fatigues et de la mort même, enfin dans l’expérience de l’art militaire.

Les rois alliés partirent de Salente contents d’Idoménée, et charmés de la sagesse de Mentor ; ils étaient pleins de joie de ce qu’ils emmenaient avec eux Télémaque. Celui-ci ne put modérer sa douleur quand il fallut se séparer de son ami. Pendant que les rois alliés faisaient leurs adieux, et juraient à Idoménée qu’ils garderaient avec lui une éternelle alliance, Mentor tenait Télémaque serré entre ses bras et se sentait arrosé de ses larmes. Je suis insensible, disait Télémaque, à la joie d’aller acquérir de la gloire, et je ne suis touché que de la douleur de notre séparation. Il me semble que je vois encore ce temps infortuné où les Égyptiens m’arrachèrent d’entre vos bras, et m’éloignèrent de vous, sans me laisser aucune espérance de vous revoir.

Mentor répondait à ces paroles avec douceur, pour le consoler. Voici, lui disait-il, une séparation bien diffé-