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LIVRE x.

dangers est plutôt fougueux que brave ; il a besoin d’être hors de lui pour se mettre au-dessus de la crainte, parce qu’il ne peut la surmonter par la situation naturelle de son cœur. En cet état, s’il ne fuit pas, du moins il se trouble ; il perd la liberté de son esprit, qui lui serait nécessaire pour donner de bons ordres, pour profiter des occasions, pour renverser les ennemis, et pour servir sa patrie. S’il a toute l’ardeur d’un soldat, il n’a point le discernement d’un capitaine. Encore même n’a-t-il pas le vrai courage d’un simple soldat ; car le soldat doit conserver dans le combat la présence d’esprit et la modération nécessaire pour obéir. Celui qui s’expose témérairement trouble l’ordre et la discipline des troupes, donne un exemple de témérité, et expose souvent l’armée entière à de grands malheurs. Ceux qui préfèrent leur vaine ambition à la sûreté de la cause commune, méritent des châtiments, et non des récompenses.

Gardez-vous donc bien, mon cher fils, de chercher la gloire avec impatience. Le vrai moyen de la trouver est d’attendre tranquillement l’occasion favorable. La vertu se fait d’autant plus révérer, qu’elle se montre plus simple, plus modeste, plus ennemie de tout faste. C’est à mesure que la nécessité de s’exposer au péril augmente, qu’il faut aussi de nouvelles ressources de prévoyance et de courage qui aillent toujours croissant. Au reste, souvenez-vous qu’il ne faut s’attirer l’envie de personne. De votre côté, ne soyez point jaloux du succès des autres. Louez-les pour tout ce qui mérite quelque louange ; mais louez avec discernement : disant le bien avec plaisir, cachez le mal et n’y pensez qu’avec douleur. Ne décidez point devant ces anciens capitaines qui ont toute l’expérience que vous ne pouvez avoir : écoutez-les avec défé-