Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
TÉLÉMAQUE.

ple. Après son naufrage, vous n’avez plus rien à espérer, ni pour le revoir, ni pour régner jamais dans l’île d’Ithaque après lui : consolez-vous de l’avoir perdu, puisque vous trouvez ici une divinité prête à vous rendre heureux, et un royaume qu’elle vous offre.

La déesse ajouta à ces paroles de longs discours pour montrer combien Ulysse avait été heureux auprès d’elle ; elle raconta ses aventures dans la caverne du cyclope Polyphème et chez Antiphates, roi des Lestrygons ; elle n’oublia pas ce qui lui était arrivé dans l’île de Circé, fille du Soleil, ni les dangers qu’il avait courus entre Scylle et Charybde. Elle représenta la dernière tempête que Neptune avait excitée contre lui quand il partit d’auprès d’elle. Elle voulut faire entendre qu’il était péri dans ce naufrage, et elle supprima son arrivée dans l’île des Phéaciens.

Télémaque, qui s’était d’abord abandonné trop promptement à la joie d’être si bien traité de Calypso, reconnut enfin son artifice, et la sagesse des conseils que Mentor venait de lui donner. Il répondit en peu de mots : Ô déesse, pardonnez à ma douleur ; maintenant, je ne puis que m’affliger ; peut-être que dans la suite j’aurai plus de force pour goûter la fortune que vous m’offrez. Laissez-moi en ce moment pleurer mon père ; vous savez mieux que moi combien il mérite d’être pleuré.

Calypso n’osa d’abord le presser davantage : elle feignit même d’entrer dans sa douleur, et de s’attendrir pour Ulysse. Mais, pour mieux connaître les moyens de toucher le cœur du jeune homme, elle lui demanda comment il avait fait naufrage, et par quelles aventures il était sur ces côtes. Le récit de mes malheurs, dit-il, serait trop long. Non, non, répondit-elle ; il me tarde de les sa-