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LIVRE x.

septièmes, qui seront les derniers du peuple, d’une couleur mêlée de jaune et de blanc. Voilà les habits de sept conditions différentes pour les hommes libres. Tous les esclaves seront vêtus de gris-brun. Ainsi, sans aucune dépense, chacun sera distingué suivant sa condition, et on bannira de Salente tous les arts qui ne servent qu’à entretenir le faste. Tous les artisans qui seraient employés à ces arts pernicieux serviront ou aux arts nécessaires, qui sont en petit nombre, ou au commerce, ou à l’agriculture. On ne souffrira jamais aucun changement, ni pour la nature des étoffes, ni pour la forme des habits ; car il est indigne que des hommes, destinés à une vie sérieuse et noble, s’amusent à inventer des parures affectées, ni qu’ils permettent que leurs femmes, à qui ces amusements seraient moins honteux, tombent jamais dans cet excès.

Mentor, semblable à un habile jardinier qui retranche dans ses arbres fruitiers le bois inutile, tâchait ainsi de retrancher le faste inutile qui corrompait les mœurs : il ramenait toutes choses à une noble et frugale simplicité. Il régla de même la nourriture des citoyens et des esclaves. Quelle honte,  disait-il, que les hommes les plus élevés fassent consister leur grandeur dans les ragoûts, par lesquels ils amollissent leurs âmes, et ruinent insensiblement la santé de leur corps ! Ils doivent faire consister leur bonheur dans leur modération, dans leur autorité pour faire du bien aux autres hommes, et dans la réputation que leurs bonnes actions doivent leur procurer. La sobriété rend la nourriture la plus simple très agréable. C’est elle qui donne, avec la santé la plus vigoureuse, les plaisirs les plus purs et les plus constants. Il faut donc borner vos repas aux viandes les meilleures, mais apprêtées sans aucun ragoût. C’est un art pour empoisonner les hommes, que celui d’irriter leur appétit au delà de leur vrai besoin.