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LIVRE x.

à la famille assemblée les nouvelles chansons qu’il a apprises dans les hameaux voisins. Le laboureur rentre avec sa charrue ; et ses bœuf fatigués marchent, le cou penché, d’un pas lent et tardif, malgré l’aiguillon qui les presse. Tous les maux du travail finissent avec la journée. Les pavots que le sommeil, par l’ordre des dieux, répand sur la terre, apaisent tous les noirs soucis par leurs charmes, et tiennent toute la nature dans un doux enchantement ; chacun s’endort, sans prévoir les peines du lendemain.

Heureux ces hommes sans ambition, sans défiance, sans artifice, pourvu que les dieux leur donnent un bon roi qui ne trouble point leur joie innocente ! Mais quelle horrible inhumanité que de leur arracher, pour des desseins pleins de faste et d’ambition, les doux fruits de leur terre, qu’ils ne tiennent que de la libérale nature et de la sueur de leur front ! La nature seule tirerait de son sein fécond tout ce qu’il faudrait pour un nombre infini d’hommes modérés et laborieux ; mais c’est l’orgueil et la mollesse de certains hommes qui en mettent tant d’autres dans une affreuse pauvreté.

Que ferai-Je, disait Idoménée, si ces peuples que je répandrai dans ces fertiles campagnes négligent de les cultiver ?

Faites, lui répondait Mentor, tout le contraire de ce qu’on fait communément. Les princes avides et sans prévoyance ne songent qu’à charger d’impôts ceux d’entre leurs sujets qui sont les plus vigilants et tes plus industrieux pour faire valoir leurs biens ; c’est qu’ils espèrent en être payés plus facilement : en même temps, ils chargent moins ceux que la paresse rend plus misérables. Renversez cet mauvais ordre, qui accable les bons, qui récompense le vice, et qui introduit une négligence aussi funeste au roi