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TÉLÉMAQUE.

même qu’à tout l’État. Mettez des taxes, des amendes, et même, s’il le faut, d’autres peines rigoureuses, sur ceux qui négligeront leurs champs, comme vous puniriez des soldats qui abandonneraient leurs postes dans la guerre : au contraire, donnez des grâces et des exemptions aux familles qui, se multipliant, augmentent à proportion la culture de leurs terres. Bientôt les familles se multiplieront, et tout le monde s’animera au travail ; il deviendra même honorable. La profession de laboureur ne sera plus méprisée, n’étant plus accablée de tant de maux. Ou reverra la charrue en honneur, maniée par des mains victorieuses qui auraient défendu la patrie. Il ne sera pas moins beau de cultiver l’héritage reçu de ses ancêtres, pendant une heureuse paix, que de l’avoir défendu généreusement pendant les troubles de la guerre. Toute la campagne refleurira : Cérès se couronnera d’épis dorés ; Bacchus, foulant à ses pieds les raisins, fera couler, du penchant des montagnes des ruisseaux de vin plus doux que le nectar : les creux vallons retentiront des concerts des bergers, qui, le long des clairs ruisseaux, joindront leurs voix avec leurs flûtes, pendant que leurs troupeaux bondissants paîtront sur l’herbe et parmi les fleurs, sans craindre les loups.

Ne serez-vous pas trop heureux, ô Idoménée, d’être la source de tant de biens, et de faire vivre, à l’ombre de votre nom, tant de peuples dans un si aimable repos ? Cette gloire n’est-elle pas plus touchante que celle de ravager la terre, de répandre partout, et presque autant chez soi, au milieu même des victoires, que chez les étrangers vaincus, le carnage, le trouble, l’horreur, la langueur, la consternation, la cruelle faim, et le désespoir ?

Oh ! heureux le roi assez aimé des dieux, et d’un cœur assez grand, pour entreprendre d’être ainsi les délices des