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TÉLÉMAQUE.

tantôt dans une situation, tantôt dans une autre ; il l’ébranle, il ne lui laisse aucun moment pour se rassurer, enfin il le jette par terre et tombe sur lui. Un grand chêne du mont Ida, que la hache a coupé par mille coups dont toute la forêt a retenti, ne fait pas un plus horrible bruit en tombant ; la terre en gémit ; tout ce qui l’environne en est ébranlé.

Cependant la sagesse était revenue avec la force au dedans de Télémaque. À peine Hippias fut-il tombé sous lui, que le fils d’Ulysse comprit la faute qu’il avait faite d’attaquer ainsi le frère d’un des rois alliés qu’il était venu secourir : il rappela en lui-même, avec confusion, les sages conseils de Mentor : il eut honte de sa victoire, et comprit combien il avait mérité d’être vaincu. Cependant Phalante, transporté de fureur, accourait au secours de son frère : il eût percé Télémaque d’un dard qu’il portait, s’il n’eût craint de percer aussi Hippias, que Télémaque tenait sous lui dans la poussière. Le fils d’Ulysse eût pu sans peine ôter la vie à son ennemi ; mais sa colère était apaisée, et il ne songeait plus qu’à réparer sa faute en montrant de la modération. Il se lève en disant : Ô Hippias ! il me suffit de vous avoir appris à ne mépriser jamais ma jeunesse ; vivez : j’admire votre force et votre courage. Les dieux m’ont protégé : cédez à leur puissance : ne songeons plus qu’à combattre ensemble contre les Dauniens.

Pendant que Télémaque parlait ainsi, Hippias se relevait couvert de poussière et de sang, plein de honte et de rage. Phalante n’osait ôter la vie à celui qui venait de la donner si généreusement à son frère ; il était en suspens et hors de lui-même. Tous les rois alliés accourent : ils mènent d’un côté Télémaque, de l’autre Phalante et Hip-