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LIVRE xiii.

lassait point d’en chercher la cause, et d’exciter la défiance de Nestor et de Philoctète : mais son soin était inutile, ils étaient aveuglés.

On avait résolu, dans le conseil, d’attendre les troupes nombreuses qui devaient venir, et on avait fait avancer secrètement pendant la nuit cent vaisseaux pour conduire plus promptement ces troupes, depuis une côte de mer très-rude, où elles devaient arriver, jusqu’au lieu où l’armée campait. Cependant on se croyait en sûreté, parce qu’on tenait avec des troupes les détroits de la montagne voisine, qui est une côte presque inaccessible de l’Apennin. L’armée était campée sur les bords du fleuve Galèse, assez près de la mer. Cette campagne délicieuse est abondante en pâturages et en tous les fruits qui peuvent nourrir une armée. Adraste était derrière la montagne, et on comptait qu’il ne pouvait passer ; mais comme il sut que les alliés étaient encore faibles, qu’ils attendaient un grand secours, que les vaisseaux attendaient l’arrivée des troupes qui devaient venir, et que l’armée était divisée par la querelle de Télémaque avec Phalante, il se hâta de faire un grand tour. Il vint en diligence jour et nuit sur le bord de la mer, et passa par des chemins qu’on avait toujours crus absolument impraticables. Ainsi la hardiesse et le travail obstiné surmontent les plus grands obstacles ; ainsi il n’y a presque rien d’impossible à ceux qui savent oser et souffrir ; ainsi ceux qui s’endorment, comptant que les choses difficiles sont impossibles, méritent d’être surpris et accablés.

Adraste surprit au point du jour les cent vaisseaux qui appartenaient aux alliés. Comme ces vaisseaux étaient mal gardés, et qu’on ne se défiait de rien, il s’en saisit sans résistance, et s’en servit pour transporter ses troupes,