Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/336

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
319
LIVRE xiv.

de la sombre demeure de Pluton. Minerve, qui veillait sans cesse sur lui, et qui le couvrait de son égide, lui avait rendu Pluton favorable. Jupiter même, à la prière de Minerve, avait ordonné à Mercure, qui descend chaque jour aux enfers pour livrer à Charon un certain nombre de morts, de dire au roi des ombres qu’il laissât entrer le fils d’Ulysse dans son empire.

Télémaque se dérobe du camp pendant la nuit ; il marche à la clarté de la lune, et il invoque cette puissante divinité, qui, étant dans le ciel le brillant astre de la nuit, et sur la terre la chaste Diane, est aux enfers la redoutable Hécate. Cette divinité écouta favorablement ses vœux, parce que son cœur était pur, et qu’il était conduit par l’amour pieux qu’un fils doit à son père. À peine fut-il auprès de l’entrée de la caverne, qu’il entendit l’empire souterrain mugir. La terre tremblait sous ses pas ; le ciel s’arma d’éclairs et de feux qui semblaient tomber sur la terre. Le jeune fils d’Ulysse sentit son cœur ému, et tout son corps était couvert d’une sueur glacée ; mais son courage se soutint : il leva les yeux et les mains au ciel. Grand dieu, s’écria-t-il, j’accepte ces présages que je crois heureux ; achevez votre ouvrage ! Il dit ; et, redoublant ses pas, il se présente hardiment.

Aussitôt la fumée épaisse qui rendait l’entrée de la caverne funeste à tous les animaux, dès qu’ils en approchaient, se dissipa ; l’odeur empoisonnée cessa pour un peu de temps. Télémaque entre seul ; car quel autre mortel eût osé le suivre ! Deux Crétois, qui l’avaient accompagné jusqu’à une certaine distance de la caverne, et auxquels il avait confié son dessein, demeurèrent tremblants et à demi morts assez loin de là, dans un temple, faisant des vœux, et n’espérant plus de revoir Télémaque.