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LIVRE xiv.

modités. Je l’ai cru ; c’est vous qui me l’avez fait croire ; et maintenant je souffre tant de maux pour vous avoir imité. À ces reproches, ils ajoutaient les plus affreuses malédictions, et paraissaient animés de rage pour s’entre-déchirer.

Autour de ces rois voltigeaient encore, comme des hiboux dans la nuit, les cruels Soupçons, les vaines Alarmes, les Défiances, qui vengent les peuples de la dureté de leurs rois ; la Faim insatiable des richesses ; la fausse Gloire, toujours tyrannique ; et la Mollesse lâche, qui redouble tous les maux qu’on souffre, sans pouvoir jamais donner de solides plaisirs.

On voyait plusieurs de ces rois sévèrement punis, non pour les maux qu’ils avaient faits, mais pour les biens qu’ils auraient dû faire. Tous les crimes des peuples, qui viennent de la négligence avec laquelle on fait observer les lois, étaient imputés aux rois, qui ne doivent régner qu’afin que les lois règnent par leur ministère. On leur imputait aussi tous les désordres qui viennent du faste, du luxe, et de tous les autres excès qui jettent les hommes dans un état violent, et dans la tentation de mépriser les lois pour acquérir du bien. Surtout on traitait rigoureusement les rois qui, au lieu d’être de bons et vigilants pasteurs des peuples, n’avaient songé qu’à ravager le troupeau comme des loups dévorants.

Mais ce qui consterna davantage Télémaque, ce fut de voir, dans cet abîme de ténèbres et de maux, un grand nombre de rois qui avaient passé sur la terre pour des rois assez bons. Ils avaient été condamnés aux peines du Tartare, pour s’être laissé gouverner par des hommes méchants et artificieux. Ils étaient punis pour les maux qu’ils avaient laissé faire par leur autorité. De plus, la plupart de ces rois n’avaient été ni bons ni méchants, tant leur fai-