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LIVRE xiv.

les dons de la déesse à tous les peuples qui auraient assez de courage pour vaincre leur paresse naturelle, et pour s’adonner à un travail assidu. Bientôt Triptolème apprit aux Grecs à fendre la terre, et à la fertiliser en déchirant son sein : bientôt les moissonneurs ardents et infatigables firent tomber, sous leurs faucilles tranchantes, les jaunes épis qui couvraient les campagnes : les peuples mêmes, sauvages et farouches, qui couraient épars çà et là dans les forêts d’Épire et d’Étolie pour se nourrir de gland, adoucirent leurs mœurs, et se soumirent à des lois, quand ils eurent appris à faire croître des moissons et à se nourrir de pain. Triptolème fit sentir aux Grecs le plaisir qu’il y a à ne devoir ses richesses qu’à son travail, et à trouver dans son champ tout ce qu’il faut pour rendre la vie commode et heureuse. Cette abondance si simple et si innocente, qui est attachée à l’agriculture, les fit souvenir des sages conseils d’Érichthon. Ils méprisèrent l’argent et toutes les richesses artificielles, qui ne sont richesses qu’en imagination, qui tentent les hommes de chercher des plaisirs dangereux, et qui les détournent du travail, où ils trouveraient tous les biens réels, avec des mœurs pures, dans une pleine liberté. On comprit donc qu’un champ fertile et bien cultivé est le vrai trésor d’une famille assez sage pour vouloir vivre frugalement comme ses pères ont vécu. Heureux les Grecs, s’ils étaient demeurés fermes dans ces maximes, si propres à les rendre puissants, libres, heureux, et dignes de l’être par une solide vertu ! Mais, hélas ! ils commencent à admirer les fausses richesses, ils négligent peu à peu les vraies, et ils dégénèrent de cette merveilleuse simplicité.

Ô mon fils, tu régneras un jour ; alors souviens-toi de ramener les hommes à l’agriculture, d’honorer cet art, de