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TÉLÉMAQUE.

honnêtes gens, qu’il savait bien choisir pour les admettre dans sa familiarité. On ne pouvait lui reprocher en toute sa vie que d’avoir triomphé avec trop de faste des rois qu’il avait vaincus, et de s’être confié à un de ses sujets que je vous dépeindrai tout à l’heure.

Quand il me vit, il fut touché de ma jeunesse et de ma douleur ; il me demanda ma patrie et mon nom. Nous fûmes étonnés de la sagesse qui parlait par sa bouche. Je lui répondis : Ô grand roi, vous n’ignorez pas le siège de Troie, qui a duré dix ans, et sa ruine, qui a coûté tant de sang à toute la Grèce. Ulysse, mon père, a été un des principaux rois qui ont ruiné cette ville : il erre sur toutes les mers, sans pouvoir retrouver l’île d’Ithaque, qui est son royaume. Je le cherche ; et un malheur semblable au sien fait que j’ai été pris. Rendez-moi à mon père et à ma patrie. Ainsi puissent les dieux vous conserver à vos enfants, et leur faire sentir la joie de vivre sous un si bon père !

Sésostris continuait à me regarder d’un œil de compassion ; mais, voulant savoir si ce que je disais était vrai, il nous renvoya à un de ses officiers, qui fut chargé de savoir de ceux qui avaient pris notre vaisseau si nous étions effectivement ou Grecs ou Phéniciens.

S’ils sont Phéniciens, dit le roi, il faut doublement les punir, pour être nos ennemis, et plus encore pour avoir voulu nous tromper par un lâche mensonge ; si au contraire ils sont Grecs, je veux qu’on les traite favorablement, et qu’on les renvoie dans leur pays sur un de mes vaisseaux : car j’aime la Grèce ; plusieurs Égyptiens y ont donné des lois. Je connais la vertu d’Hercule ; la gloire d’Achille est parvenue jusqu’à nous, et j’admire ce qu’on m’a raconté de