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TÉLÉMAQUE.

Guerre et la Mort. Ce cri de Télémaque porte le courage et l’audace dans le cœur des siens ; il glace d’épouvante les ennemis : Adraste même a honte de se sentir troublé. Je ne sais combien de funestes présages le font frémir ; et ce qui l’anime est plutôt un désespoir, qu’une valeur tranquille. Trois fois ses genoux tremblants commencèrent à se dérober sous lui ; trois fois il recula sans songer à ce qu’il faisait. Une pâleur de défaillance et une sueur froide se répandit dans tous ses membres ; sa voix enrouée et hésitante ne pouvait achever aucune parole ; ses yeux, pleins d’un feu sombre et étincelant, paraissaient sortir de sa tête ; on le voyait, comme Oreste, agité par les Furies ; tous ses mouvements étaient convulsifs. Alors il commença à croire qu’il y a des dieux ; il s’imaginait les voir irrités, et entendre une voix sourde qui sortait du fond de l’abîme pour l’appeler dans le noir Tartare : tout lui faisait sentir une main céleste invisible, suspendue sur sa tête, qui allait s’appesantir pour le frapper. L’espérance était éteinte au fond de son cœur ; son audace se dissipait, comme la lumière du jour disparaît quand le soleil se couche dans le sein des ondes, et que la terre s’enveloppe des ombres de la nuit.

L’impie Adraste, trop longtemps souffert sur la terre, trop longtemps, si les hommes n’eussent eu besoin d’un tel châtiment ; l’impie Adraste touchait enfin à sa dernière heure. Il court forcené au-devant de son inévitable destin ; l’horreur, les cuisants remords, la consternation, la fureur, la rage, le désespoir, marchent avec lui. À peine voit-il Télémaque, qu’il croit voir l’Averne qui s’ouvre, et les tourbillons de flammes qui sortent du noir Phlégéton, prêtes à le dévorer. Il s’écrie, et sa bouche demeure ouverte sans qu’il puisse prononcer aucune parole : tel qu’un