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TÉLÉMAQUE.

de ses conseils, on entendit un bruit confus qui se répandit dans tout le camp, et qui vint jusqu’au lieu où se tenait l’assemblée. Un étranger, dit-on, est venu aborder sur ces côtes avec une troupe d’hommes armés : cet inconnu est d’une haute mine ; tout paraît héroïque en lui ; on voit aisément qu’il a longtemps souffert, et que son grand courage l’a mis au-dessus de toutes ses souffrances. D’abord les peuples du pays, qui gardent la côte, ont voulu le repousser comme un ennemi qui vient faire une irruption ; mais, après avoir tiré son épée avec un air intrépide, il a déclaré qu’il saurait se défendre si on l’attaquait ; mais qu’il ne demandait que la paix et l’hospitalité. Aussitôt il a présenté un rameau d’olivier, comme suppliant. On l’a écouté ; il a demandé à être conduit vers ceux qui gouvernent dans cette côte de l’Hespérie, et on l’emmène ici pour le faire parler aux rois assemblés.

À peine ce discours fut-il achevé, qu’on vit entrer cet inconnu avec une majesté qui surprit toute l’assemblée. On aurait cru facilement que c’était le dieu Mars, quand il assemble sur les montagnes de la Thrace ses troupes sanguinaires. Il commença à parler ainsi :

Ô vous, pasteurs des peuples, qui êtes sans doute assemblés ici pour défendre la patrie contre ses ennemis, ou pour faire fleurir les plus justes lois, écoutez un homme que la fortune a persécuté. Fassent les dieux que vous n’éprouviez jamais de semblables malheurs ! Je suis Diomède, roi d’Étolie, qui blessai Vénus au siège de Troie. La vengeance de cette déesse me poursuit dans tout l’univers. Neptune, qui ne peut rien refuser à la divine fille de la mer, m’a livré à la rage des vents et des flots, qui ont brisé plusieurs fois mes vaisseaux contre les écueils. L’inexorable Vénus m’a ôté toute espérance de revoir mon