Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/426

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
409
LIVRE xvii.

de se flatter et de s’aveugler sur les grands intérêts d’État ? Se croira-t-on soi-même dans une matière où l’on a tant de raisons de se défier de soi ? ne craindra-t-on point de se tromper, dans des cas où l’erreur d’un seul homme a des conséquences affreuses ? L’erreur d’un roi qui se flatte sur ses prétentions cause souvent des ravages, des famines, des massacres, des pestes, des dépravations de mœurs, dont les effets funestes s’étendent jusque dans les siècles les plus reculés. Un roi, qui assemble toujours tant de flatteurs autour de lui, ne craindra-t-ii point d’être flatté en ces occasions ? S’il convient de quelque arbitre pour terminer le différend, il montre son équité, sa bonne foi, sa modération. Il publie les solides raisons sur lesquelles sa cause est fondée. L’arbitre choisi est un médiateur amiable, et non un juge de rigueur. On ne se soumet pas aveuglément à ses décisions ; mais on a pour lui une grande déférence : il ne prononce pas une sentence en juge souverain, mais il fait des propositions, et on sacrifie quelque chose par ses conseils, pour conserver la paix. Si la guerre vient, malgré tous les soins qu’un roi prend pour conserver la paix, il a du moins alors pour lui le témoignage de sa conscience, l’estime de ses voisins, et la juste protection des dieux. Idoménée, touché de ce discours, consentit que les Sipontins fussent médiateurs entre lui et les Sybarites.

Alors le roi, voyant que tous les moyens de retenir les deux étrangers lui échappaient, essaya de les arrêter par un lien plus fort. Il avait remarqué que Télémaque aimait Antiope ; et il espéra de le prendre par cette passion. Dans cette vue, il la fit chanter plusieurs fois pendant des festins. Elle le fit pour ne désobéir pas à son père, mais avec tant de modestie et de tristesse, qu’on voyait bien la peine qu’elle souffrait en obéissant. Idoménée alla jusqu’à vou-