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TÉLÉMAQUE.

de flamme ; on n’entendit plus les coups des terribles marteaux, qui, frappant l’enclume, faisaient gémir les profondes cavernes de la terre et les abîmes de la mer : le fer et l’airain, n’étant plus polis par les Cyclopes, commençaient à se rouiller. Vulcain furieux sort de sa fournaise ; quoique boiteux, il monte en diligence vers l’Olympe ; il arrive, suant et couvert d’une noire poussière dans l’assemblée des dieux ; il fait des plaintes amères. Jupiter s’irrite contre Apollon, le chasse du ciel, et le précipite sur la terre. Son char vide faisait de lui-même son cours ordinaire, pour donner aux hommes les jours et les nuits avec le changement régulier des saisons. Apollon, dépouillé de tous ses rayons, fut contraint de se faire berger, et de garder les troupeaux du roi Admète. Il jouait de la flûte ; et tous les autres bergers venaient à l’ombre des ormeaux, sur le bord d’une claire fontaine, écouter ses chansons. Jusque-là ils avaient mené une vie sauvage et brutale ; ils ne savaient que conduire leurs brebis, les tondre, traire leur lait, et faire des fromages : toute la campagne était comme un désert affreux.

Bientôt Apollon montra à tous ces bergers les arts qui peuvent rendre leur vie agréable. Il chantait les fleurs dont le printemps se couronne, les parfums qu’il répand, et la verdure qui naît sous ses pas. Puis il chantait les délicieuses nuits de l’été, où les zéphyrs rafraîchissent les hommes, et où la rosée désaltère la terre. Il mêlait aussi dans ses chansons les fruits dorés dont l’automne récompense les travaux des laboureurs, et le repos de l’hiver, pendant lequel la jeunesse folâtre danse auprès du feu. Enfin il représentait les forêts sombres qui couvrent les montagnes, et les creux vallons, où les rivières, par mille détours, semblent se jouer au milieu des riantes prairies. Il apprit ainsi aux bergers quels