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LIVRE xvii.

qu’aider ceux qui cherchent la justice et la vertu. Pourrais-je oublier jamais la confiance et l’amitié que vous m’avez témoignées ?

À ces mots, Idoménée fut tout à coup changé ; il sentit son cœur apaisé, comme Neptune de son trident apaise les flots en courroux et les plus noires tempêtes : il restait seulement en lui une douleur douce et paisible ; c’était plutôt une tristesse et un sentiment tendre, qu’une vive douleur. Le courage, la confiance, la vertu, l’espérance du secours des dieux, commencèrent à renaître au dedans de lui.

Eh bien ! dit-il, mon cher Mentor, il faut donc tout perdre, et ne se point décourager ! Du moins souvenez-vous d’Idoménée, quand vous serez arrivés à Ithaque, où votre sagesse vous comblera de prospérités. N’oubliez pas que Salente fut votre ouvrage, et que vous y avez laissé un roi malheureux qui n’espère qu’en vous. Allez, digne fils d’Ulysse, je ne vous retiens plus ; je n’ai garde de résister aux dieux, qui m’avaient prêté un si grand trésor. Allez aussi, Mentor, le plus grand et le plus sage de tous les hommes (si toutefois l’humanité peut faire ce que j’ai vu en vous, et si vous n’êtes point une divinité sous une forme empruntée pour instruire les hommes faibles et ignorants), allez conduire le fils d’Ulysse, plus heureux de vous avoir que d’être le vainqueur d’Adraste. Allez tous deux ; je n’ose plus parler, pardonnez mes soupirs. Allez, vivez, soyez heureux ensemble ; il ne me reste plus rien au monde, que le souvenir de vous avoir possédés ici. Ô beaux jours ! trop heureux jours ! jours dont je n’ai pas assez connu le prix ! jours trop rapidement écoulés ! vous ne reviendrez jamais ! jamais mes yeux ne reverront ce qu’ils voient.