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LIVRE xviii.

envisager tous les périls, et à les mépriser quand ils deviennent nécessaires. Celui qui ne veut pas les voir n’a pas assez de courage pour en supporter tranquillement la vue : celui qui les voit tous, qui évite tous ceux qu’on peut éviter, et qui tente les autres sans s’émouvoir, est le seul sage et magnanime.

Fuyez la mollesse, le faste, la profusion ; mettez votre gloire dans la simplicité ; que vos vertus et vos bonnes actions soient les ornements de votre personne et de votre palais ; qu’elles soient la garde qui vous environne, et que tout le monde apprenne de vous en quoi consiste le vrai bonheur. N’oubliez jamais que les rois ne règnent point pour leur propre gloire, mais pour le bien des peuples. Les biens qu’ils font s’étendent jusque dans les siècles les plus éloignés : les maux qu’ils font se multiplient de génération en génération, jusqu’à la postérité la plus reculée. Un mauvais règne fait quelquefois la calamité de plusieurs siècles.

Surtout soyez en garde contre votre humeur : c’est un ennemi que vous porterez partout avec vous jusques à la mort ; il entrera dans vos conseils ; et vous trahira, si vous l’écoutez. L’humeur fait perdre les occasions les plus importantes : elle donne des inclinations et des aversions d’enfant, au préjudice des plus grands intérêts ; elle fait décider les plus grandes affaires par les plus petites raisons ; elle obscurcit tous les talents, rabaisse le courage, rend un homme inégal, faible, vil et insupportable. Défiez-vous de cet ennemi.

Craignez les dieux, ô Télémaque ; cette crainte est le plus grand trésor du cœur de l’homme : avec elle vous viendront la sagesse, la justice, la paix, la joie, les plaisirs purs, la vraie liberté, la douce abondance, la gloire sans tache.