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FABLES.

mieux que ceux qui le lui avaient appris. Elle dansait sur l’herbe, les jours de fête, avec plus de grâce que toutes ses compagnes. Sa voix était plus touchante qu’aucun instrument de musique, et elle faisait elle-même les chansons qu’elle chantait. D’abord elle ne savait point qu’elle était belle : mais, en jouant avec ses compagnes sur le bord d’une claire fontaine, elle se vit, elle remarqua combien elle était différente des autres ; elle s’admira. Tout le pays, qui accourait en foule pour la voir, lui fit encore plus connaître ses charmes. Sa mère, qui comptait sur les prédictions de la fée, la regardait déjà comme une reine, et la gâtait par ses complaisances. La jeune fille ne voulait ni filer, ni coudre, ni garder les moutons ; elle s’amusait à cueillir des fleurs, à en parer sa tête, à chanter, et à danser à l’ombre des bois. Le roi de ce pays-là était fort puissant, et il n’avait qu’un fils nommé Rosimond, qu’il voulait marier. Il ne put jamais se résoudre à entendre parler d’aucune princesse des États voisins, parce qu’une fée lui avait assuré qu’il trouverait une paysanne plus belle et plus parfaite que toutes les princesses du monde. Il prit la résolution de faire assembler toutes les jeunes villageoises de son royaume, au-dessous de dix-huit ans, pour choisir celle qui serait la plus digne d’être choisie. On exclut d’abord une quantité innombrable de filles qui n’avaient qu’une médiocre beauté, et on en sépara trente qui surpassaient infiniment toutes les autres. Florise (c’est le nom de notre jeune fille) n’eut pas de peine à être mise dans ce nombre. On rangea ces trente filles au milieu d’une grande salle, dans une espèce d’amphithéâtre, où le roi et son fils les pouvaient regarder toutes à la fois. Florise parut d’abord, au milieu de toutes les autres, ce qu’une belle anémone paraîtrait parmi des soucis, ou ce qu’un oranger fleuri paraîtrait au milieu des buissons sauvages. Le roi s’écria qu’elle méritait sa couronne. Rosimond se crut heureux de posséder Florise. On lui ôta ses habits du village, on lui en donna qui étaient tout brodés d’or. En un instant elle se vit couverte de perles et de dia-