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FABLES.

naçant tonnerre ; les vents séditieux, ayant rompu leurs chaînes et forcé leurs cachots profonds, mugissaient encore dans les vastes plaines de l’air ; des torrents tombaient des montagnes dans tous les vallons. Celui dont l’œil plein de rayons anime toute la nature voyait de toutes parts, en se levant, le reste d’un cruel orage. Mais ce qui l’émut davantage, il vit un jeune nourrisson des Muses qui lui était fort cher, et à qui la tempête avait dérobé le sommeil lorsqu’il commentait déjà à étendre ses sombres ailes sur ses paupières. Il fut sur le point de ramener ses chevaux en arrière, et de retarder le jour, pour rendre le repos à celui qui l’avait perdu. Je veux, dit-il, qu’il dorme : le sommeil rafraîchira son sang, apaiser sa bile, lui donnera la santé et la force dont il aura besoin pour imiter les travaux d’Hercule ; lui inspirera je ne sais quelle douceur tendre qui pourrait seule lui manquer. Pourvu qu’il dorme, qu’il rie, qu’il adoucisse son tempérament, qu’il aime les jeux de la société, qu’il prenne plaisir à aimer les hommes et à se faire aimer d’eux, toutes les grâces de l’esprit et du corps viendront en foule pour l’orner.





XXIII. Aristée et Virgile.




Virgile, étant descendu aux enfers, entra dans ces campagnes fortunées où les héros et les hommes inspirés des dieux passent une vie bienheureuse sur des gazons toujours émaillés de fleurs et entrecoupés de mille ruisseaux. D’abord le berger Aristée, qui était là au nombre des demi-dieux, s’avança vers lui ayant appris son nom. Que j’ai de joie, lui dit-il, de voir un si grand poëte ! Vos vers coulent plus doucement que la rosée sur l’herbe tendre ; ils ont une harmonie si douce qu’ils attendrissent le cœur, et qu’ils tirent les larmes des yeux. Vous en avez fait pour moi et pour mes abeilles, dont Homère même pourrait être jaloux. Je vous dois, autant qu’au Soleil et à Cyrène, la gloire dont je jouis. Il