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FABLES.

donc et l’antiquité de mon origine, l’abondance de mes eaux, et tout le spectacle des merveilles que j’offre au navigateur ? Je ne veux ni les honneurs ni la gloire de la préférence, tant que je ne contribuerai pas plus au bonheur de la multitude, tant que je ne servirai qu’à entretenir la mollesse ou l’avidité de quelques tyrans fastueux et inappliqués. Il n’y a rien de grand, rien d’estimable, que ce qui est utile au genre humain.

Neptune et l’assemblée des dieux marins applaudirent au discours du Gange, louèrent sa tendre compassion pour l’humanité vexée et souffrante. Ils lui firent espérer que, d’une autre partie du monde, il se transporterait dans l’Inde des nations policées et humaines, qui pourraient éclairer les princes sur leur vrai bonheur, et leur faire comprendre qu’il consiste principalement, comme il le croyait avec tant de vérité, à rendre heureux tous ceux qui dépendent d’eux, et à les gouverner avec sagesse et modération.





XXXII. Prière indiscrète de Nélée, petit-fils de Nestor.




Entre tous les mortels qui avaient été aimés des dieux, nul ne leur avait été plus cher que Nestor ; ils avaient versé sur lui leurs dons les plus précieux, la sagesse, la profonde connaissance des hommes, une éloquence douce et insinuante. Tous les Grecs l’écoutaient avec admiration ; et, dans une extrême vieillesse, il avait un pouvoir absolu sur les cœurs et sur les esprits. Les dieux, avant la fin de ses jours, voulurent lui accorder encore une faveur, qui fut de voir naître un fils de Pisistrate. Quand il vint au monde, Nestor le prit sur ses genoux ; et, levant les yeux au ciel : Ô Pallas ! dit il, vous avez comblé la mesure de vos bienfaits ; je n’ai plus rien à souhaiter sur la terre, sinon que vous remplissiez de votre esprit l’enfant que vous m’avez fait voir. Vous ajouterez, j’en