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LIVRE iv.

petites ailes s’agitant le faisaient voler autour de sa mère. Quoiqu’il eût sur son visage la tendresse, les grâces et l’enjouement de l’enfance, il avait je ne sais quoi dans ses yeux perçants qui me faisait peur. Il riait en me regardant, son ris était malin, moqueur et cruel. Il tira de son carquois d’or la plus aiguë de ses flèches, il banda son arc, et allait me percer, quand Minerve se montra soudainement pour me couvrir de son égide. Le visage de cette déesse n’avait point cette beauté molle et cette langueur passionnée que j’avais remarquée dans le visage et dans la posture de Vénus. C’était au contraire une beauté simple, négligée, modeste ; tout était grave, vigoureux, noble, plein de force et de majesté. La flèche de Cupidon, ne pouvant percer l’égide, tomba par terre. Cupidon, indigné, en soupira amèrement ; il eut honte de se voir vaincu. Loin d’ici, s’écria Minerve, loin d’ici, téméraire enfant ! tu ne vaincras jamais que des âmes lâches, qui aiment mieux tes honteux plaisirs que la sagesse, la vertu et la gloire. À ces mots, l’Amour irrité s’envola ; et Vénus remontant vers l’Olympe, je vis longtemps son char avec ses deux colombes dans une nuée d’or et d’azur ; puis elle disparut. En baissant mes yeux vers la terre, je ne trouvai plus Minerve.

Il me sembla que j’étais transporté dans un jardin délicieux, tel qu’on dépeint les Champs-Élysées. En ce lieu, je reconnus Mentor, qui me dit : Fuyez cette cruelle terre, cette île empestée, où l’on ne respire que la volupté. La vertu la plus courageuse y doit trembler, et ne peut se sauver qu’en fuyant. Dès que je le vis, je voulus me jeter à son cou pour l’embrasser ; mais je sentais que mes pieds ne pouvaient se mouvoir, que mes genoux se dérobaient sous moi, et que mes mains, s’efforçant de saisir Mentor,