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DE L`HUl\IANlSME A LA llÉF()RMB· 87

femmes, pour ce que nous ne voulons rien croire que` la parole de Dieu ’. »

D’ordinaire c’est une foi commune, c’est une grande solidarite religieuse ou patriotique qui fait des martyrs. Ici c`est la seule force de la conscience individuelle livrée à elle-même, sans une formule, sans un symbole, sans un mot de rallie- ment. C’est pour ne pas mentir, c'est pou1· ne pas se mentir à soi—meme, que chacun donne sa vie. Le mobile de l’héroïsme est aussi pur ici que l`heroïsme lui-même. Ce n`est pas par attachement a un credo quelconque, c’est par probité d’esprit et de conscience qu’ils font ce sacrifice. Ils 111CU- rent autant pour ce qu’ils nient que pour ce qu’ils affirment. Le protestantisme français à ce premier moment offre cet exemple peut-être unique de plusieurs centaines d’hommes de tout rang qui ont su mourir avant de savoir dire pourquoi. Cette Église naissante a des martyrs avant d'avoir des théologiens, elle scelle de son sang une vérité qui n`est pas encore réduite en dogmes, et tout ce que peuvent déclarer ses inébranlables confesseurs, c'est que leur conscience leur interdit de s’associer plus longtemps à des formes qui dépravent la religion, à des pratiques qui la matérialisent. Si c’est un acte sublime que de mourir pour une idée claire et pour une foi précise, qu’est-ce donc que mourir pour cette conviction, en quelque sorte négative, qu’il y a des abus et qu’il faut une réforme!

V

Voila donc, nettement tranchés, les deux partis entre lesquels notre jeune humaniste, comme les autres, devra tout à l’heure opter : ou la soumission, qui revêt tant de formes, ou la résistance, qui n’en a qu'une, toujours périlleuse.

Que va-t—il faire ?

C`est une question de caractère, et à ce moment ce n’est rien d’autre que le caractere qui décide si tel se compromettra _ avec les << Evangéliques » ou se réservera prudemment. Cer-

1. Crespin, Hist. des Martyrs, ed. de Toulouse, II, 415.