Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/218

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200 saixasrnzn CASTELLl0N· Il ne faut rien exagérer sans doute, et le document qu`on ‘vient de lire n’a pas marqué dans l`histoire du protestan- tisme français autre chose qu’un imperceptible épisode. Et pourtant, les contemporains franchissaient la, sans s’en aper—- cevoir sans doute, un passage critique qui ne devait plus se retrouver. C’était dans le développement théologique de la Réforme le peint précis où l’Eglise protestante se décidait ·entre deux conceptions différentes de la constitution ecclé- siastique, celles que dans la langue de nos jours on appel- lerait la conception « orthodoxe » et la conception « libé- I‘EtlC ». Pour la premiere fois, Calvin se trouvait dans sa propre église, dans cette petite assemblee de collaborateurs de son choix, en face d’une résistance d'un ordre nouveau. Souvent il avait eu affaire a la négligence, a la mauvaise volonté, ii l’envie, a des attaques personnelles et passionnées; souvent il avait eu il trancher des difficultés relatives a des pratiques, à des usages, ii des formes de rite et de culte, à l’éternel débat sur les sacrements, par exemple. Jamais encore il n’avait eu at prendre un parti sur une question aussi délicate que celle qui venait de surgir. Castellion émet tout ensemble un doute sur la légitimité d’une certaine interprétation du Symbole des apôtres et sur l’inspiration d’un livre de l’Ancien Testament. Quoi donc! Il met au-dessus de l’opinion de son Eglise particuliere et au—dessus de la tradition de l’Église universelle son sens propre, sa propre raison ou plutot, disons-le tout de suite, car c’est le fond du débat, sa conscience. (Test sa conscience de chrétien qui ne lui permet pas de déclarer inspiré du Saint- Esprit un poeme d’amour. C’est sa conscience de lettre qui ne lui permet pas dejouer sur les mots en donnant de force E1 un passage du symbole un sens, meilleur peut-être au point de vue de la doctrine, mais qui de bonne foi n`est pas celui du texte. Voilà tout le débat, il n`y a pas la d’autre hérésie, il y a une question de probité. La probité du traducteur veut qu’il laisse à un poeme la forme et le ton du poeme; la probité du lecteur lui défend de lire frisson de conscience la où il est écrit descente auxqenfers, quand bien même il con-