Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/219

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RUPTURE AVEC CALVIN. 20-1 vient qu’il vaudrait mieux pouvoir li1·e frisson de con- science. V _ Ainsi se pose, des le début de la Réforme francaise, la question vitale du protestantisme. Jusquloù vont les droits · de la eonseience et de la 1·aison individuelle? Jusqu’où doit aller le respect de ces droits non seulement dans la société, mais dans l’Église, mais dans le pastorat? Il faut choisir évidemment entre la liberté — sans laquelle il n`y a pas de sincérité absolue — et 'l’autorité — sans laquelle il n`y aura bientot plus unité de doctrine. Peu importe le point sur lequel la question se pose : aujourd’hui, c’est tel dogme; demain, ee sera tel autre que le doute atteindra. Ce doute sera—t-il ou non toléré, sera—t-il tenu pour légitime? Si oui, l`Église sera une association souple et variable, libre et pro- gressive : chacun de ses membres ne s’engagera qu’a obéir alsa conscience et it Dieu parlant par elle, chacun ne jurera de croire que ce que Dieu lui révélera. Sinon, ce sera une Église enchaînée a un ensemble de dogmes, Et un certain minimum de croyances obligatoires auxquelles il faut adhérer sous peine, tout au moins, d`exclusion. Dans le premier sys- teme, quel chaos! Dans le second, ·quelle inconséquenee! De ces deux manières de comprendre la Réforme, Castellion ne reconnaît que la premiere, jyericulosam libertatem; Calvin lit triompher l’autre. Et la piece que nous venons de trans- erire est le premier document ofüciel de cette séparation des deux courants. Mais n’y a—t-il pas comme un accent de candeur dans cette importante délibération? Plus tard on ne l’eùt abordée ni avec cette mansuétude ni avec ce sérieux. On sent a cette premiere application du principe orthodoxe non pas de l`hé— sitation, car Calvin était la, mais comme un besoin de lixer la jurisprudence et de motiver la décision; on·y devine un sentiment d’impartialité et de justice qui honore cette pre- i miere heure de l’orthodoxie protestante; il y a chez les juges, a leur maniere, autant de délicatesseque chez celui qu'ils condamnent. Il ne faut pas se l.e dissimuler : c’est le principe — de l’excomn1unication pour cause de doctrine introduit dans le protestantisme, mais c’est l`exeommunication prononcée