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Bourgogne et d’Armagnac pour se faire livrer avec tant d’autres les terres et les châteaux de la maison de Thoire-Villars.

A l’époque où cette biographie commence, le couvent avait perdu quelque chose de son prestige, très peu de ses revenus. Le beau temps n’était plus sans doute où le prieur percevait de plein droit dans toute l’étendue de sa juridiction, au lieu du sixième ou du cinquième, dont se contentaient les seigneurs laïques, le tiers du prix de tous les actes de vente et de location[1].

Mais le couvent était riche encore. « C’était, dit M. Debombourg dans son Histoire de l'abbaye de Nantua[2], un immeuble qu’on tâchait d’obtenir et de pressurer sans s’inquiéter du service de Dieu et de l’exemple à donner aux populations. »

Il était alors sous l’autorité du dernier des prieurs qui ait connu les longs jours paisibles, Jean de la Forest, 39e prieur (1502-1536). Encore les dernières années de son administration sont-elles troublées par l’approche d’une double invasion, celle des Bernois qui venaient de conquérir le pays de Vaud et le pays de Gex sur le duc de Savoie, puis celle de François Ier qui arrêta la première, mais soumit pour vingt ans la Bresse et le Bugey à sa domination. A la mort de Jean de la Forest (1537), le parti savoisien, auquel les religieux étaient acquis, lui donna pour successeur François de Breul, qui exerça les fonctions de prieur, c’est-à-dire en toucha les revenus jusqu’à sa mort en 1548, en dépit de l’abbé de Cluny, au mépris de l’autorité du roi de France et malgré la concurrence du prieur imposé parle roi, installé à main armée.

L’antagonisme séculaire entre les couvents et leurs anciens serfs peut contribuer, avec la nature alors sauvage du pays, à expliquer pourquoi les montagnes du Bugey furent pendant tout le moyen âge un des principaux asiles des hérétiques proscrits ou fugitifs, en particulier des Vaudois chassés de Lyon. Pierre Valdo, peut-être originaire lui-même du Bugey[3],

  1. Guillemot, Monogr. hist., p. 186.
  2. Annales historiques du Bugey, Nantua, 1856, t. I ; publié à part, Bourg et Lyon, in-8, 1858, p. 161.
  3. De Vaux, petit village du Bugey. — Jarrin, la Bresse et le Bugey, p. 258.