Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/240

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222 SÉBASTIEN GASTELLlON· narole, celui enlin de qui le cardinal Bemho rendait ce témoi- gnage E1 Vittoria Colonna : « Je lui ai ouvert mon cœur comme à Jésus-Christ lui.—mème;je ne crois pas avoir con- vcrsé avec un plus saint homme .... Il est certain que je n’ai jamais entendu éloquence aussi pénétrante. Il me pa1·le autre- , · ment que les autres et d’une maniere bien plus chrétienne, il a je ne sais quoi de plus cordial et de plus aimant .... Il est, ài la lettre, adoré. Je crois v1·aiment que quand il nous quittera, il emportera tous les cœurs avec lui'. » Une p1·emiere fois (1534), ce moine avait étonné l’Église en abandonnant l’ordre des franciscains, ou il était parvenu aux plus hautes dignités, pour entre1· comme simple frere dans un ordre tout nouveau, plus rude, plus populaire, plus humble, celui des capucins. Mais la aussi il avait été bientot porté ' aux honneurs 1 son éloquence, son savoir, son autorité, sa réputation de sainteté l’avaient fait nommer depuis trois ans général de l`ordre. Il était dans le plein écla.t de son triomphe, quand unjour, àVenise, apprenant l’emprisonnement d’un de ses compagnons d’études religieuses sous l’accusation d`}1é- résie, il monte en chaire et, cédant it la fois ii un élan du cœur et a un cri de la conscience, il prend sa défense dans un magnihque appel au peuple vénitien 2 « Se peut-il, o reine des mers, que tu jettes dans les cachots les hérauts de la VÉl‘li(É? >> , Le nonce s’én1eut, lu.i défend. de prêcher, puis cédant ài la, pression du conseil de Venise, se contente de la promesse qu’il s’abstiendra d’attaques contre l’Église. Mais l’éveil était donné: c`était le moment précis où l’emportait enlin dans les conseils du Vatican le parti de la répression. Carafla travaillait de longue main a faire établir a Rome l’Inquisi- tion. Il venait d’y parvenir, le 22 juin (Bulle Licet ab initie). Des le mois suivant, le grand prédicateur était mandé it Rome « pour allaire importante ». Il part d`abord sans hésiter, mais, chemin faisant, les indices inquiétants, les avertissements se multiplient; le plus grave de tous lui est donné par le cardinal Contarini, qui revenait de la conférence 1. Lettres du cardinal Bemba ii Vittoria Colonna (93 février, 15 mars, 4 avril 1:339). citées par M. Benrath dans sa helle étude sur Bernardino Ochiuo, p. 15 et suiv.