Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/348

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Les Baalphégor, Beelzebuth seraient moins bien compris que Pan, les Titans, et « Apollon qui a pour prophètes les nigromanciens » ‘. Les bois de la Judée se peuplent de « satyres, de faunes et de sylvains » 2. Le Hadès s’appelle Pluton. Les astres eux-memes reprennent leus noms populaires : « Dieu fait paraître les Vergiles et le Cabinet du midi » ". ll n’est pas jusqu'aux noms propres qu’il ne cherche à traduire. Le lieu du sacrifice d’lsaac s’appelle Jocairée (.l0va verra) ‘. « Que ceux de La Roche crient triomphamment (c’est la mère-ville d'Arabie) » “. Le « Silo » prophétise par Jacob devient Porte-Bonheur °. Moïse doit dire aux enfants d’lsrael_ 2 « Semi m'envoie vers vous » ’. Ailleurs Dieu s’appelle « le Rochefort d’lsrael » ".

Avec ce parti pris de vérité il faut bien s’attendre a rencontrer dans certains passages de la Bible une fidélité de traduction qui blessera les oreilles modernes. Bien n’est plus mobile d’ailleurs que la ligne de démarcation que trace l’usage. En 1550 le départ entre les mots nobles et les autres, même au point de vue des moeurs, n`était pas fait, surtout dans le français savoisien et romand. Tout ce qu’on peut dire, c`est que la version de Castellion n’est pas a cet égard plus libre ni plus grossière que celle de Genève; que d’ailleurs les Eglises protestantes, par une sorte de superstition qu’il faut leur pardonner, puisque c’est presque la seule qui leur reste, avaient dès lors ce penchant qu’elles ont tant montre depuis, à. garder avec un soin jaloux les termes de leur vieille Bible, alors même qu’ils étaient demodés ou écartés par les progrès de la bienséance 9.

On a de même reproché à Castellion son exactitude dans

1. 3, Rois, XV; 1, Chron., X; Esaïe, XLV.

2. Ps. LXXII; Job, IX, etc.

3, Job, 1X, ,

4. Geu., XXII. .

5. Es., XLII.

6. Gen., XLIX.

  • 7. Ex., III.

8. 2, Rois, xxii; Gen., xmx.

9. Avant de reprocher à Castellion d'avoir nommé Raab du nom populaire qui désignait les femmes de sa sorte et de n'avoir pas consenti à la travestir comme firent plus tard d‘autres traducteurs en « l’hospitalière Raab », il faut se rappeler qu'il n’y a pas trente ans on lisait encore tous les dimanches dans beaucoup d'églises protestantes, en Suisse, en France et à Paris même, le 7e commandement en ces termes, qui sont ceux de la traduction de Martin : « Tu ne paillarderas point ».