Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/421

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OPINION DE GEOIYGES KLEINBERG. 403 leur vie estre vie) quand les Chrestiens viennent a les reprendre oa par parolles, ou par moeurs, ou par innocence ‘. La lionnesse poursu_yt le loup et la brebis, le loup poursuyt la brebis, et non pas la lionnesse. La brebis est la dernière : Elle endure seulement: elle ne sait que profiter, et non pas nuyr. Car elle n’a rien plus bas qu’el|e. Ainsi entre les hommes, les plus grans tyrans persecutent les moindres tyrans, et les Chrestiens. Les moindres tyrans persecutent les Chrestiens, Le vray Chrestien est le dernier, il ne sait sinon profiter, et ne nuyre à personne : il n’a rien plus bas que soy. Car il n’est rien plus humble qu’un homme chrestien, rien plus clement, rien plus povre, 1·ien plus foible. Bref, c’est un ver, et non pas un homme, comme David a escrit de Jesu-Christ. Quiconque souffre persecution pour la foy, ou il sent droitement, ou il erre; s’il sent droitement, il ne doit estre blecé; s’il erre, on luy doit pardonner. Car si Christ a demandé pardon pour ceux qui le crncilioient, d’autant qu’ils erroient : combien plus pour ceux qui endurent d’estre cruciliez pour luy? Et si la Loy de Moyse pardonne a ceux qui ont occy quelcun par ignorance : combien plus a ceux qui souffrent d’estre mis à mort par ignorance. Si quelcun ayant trouvé une brebis esgarée, l’ame- noit en ta maison, pensant qu’el|e fust tienne, ne l'aimerois tu pas pour sa bonne volonté, ja soit que la brebis ne fust point tienne? Que si toy, qui es mauvais, fais bien cela, que fera Dieu? n’aimera il pas ceux qui defendront, par une bonne affection, ce qu’ils estiment estre vray? Et si d’aventure ils errent, ne leurs pardonnera il pas? Finablement pour opprimer la verité, ils employent tous les arts des Aristotes et Cicerons, a fin qu’ils esblonissent les yeux des Juges, comme leur maistre Cicero se vante quelque part avoir fait. Qu`ils ne s’abusent · point: car la tres clere lumière dechassera ces tenebres par sa venue, et combien qu’ils en facent mourir plusieurs, néantmoins quand il n’en de- moureroit que trois, et qu’encore ces trois fussent transpercez de glaives, si assailliront ils leurs forteresses et chasteaux, et les brusleront et des- eouvriront en lumière tous leurs ars et finesses. L'hypocrisie enyvrée du sang des saincts, a assez longuement regné, son l1eure viendra en bref 2. D’une chose veux je admonester tous les Princes et peuples : qu’ils se gardent des séditions et tnmnltes, qui ont accoustumé de venir par les persecutions. Au contraire la on il n`y a point de persecutions, toutes choses sont plus paisibles, encore que leurs religions soyent diverses. Je cognoy quelques villes esquelles il y a presque autant d‘opinions que de testes : toatesfois pour ce que la ne se fait persecution, il n’y a point de sedition, et si seroient confuses de troubles, si on y faisoit persecution. ll y a a Constantinoble des Turcs, il y a des Chrestiens, il y a aussi des Juifz, trois nations grandement différentes entre elles, touchant la lteli- gion : lesquelles toutesfois vivent ensemble en paix 8. Ce que certainement ne se pourroit faire, s’il y avoit des persecutions. Qu’on considère dili- gemment cecy, et on trouvera qu’il est ainsi, que les pe1·seculions ont toujours esté cause de grans maulx. — 1. Nous donnons cet argument précisément et cause de sa bizarrcrie caractéristique qui rappelle si bien la langue de certains mystiques de Pannbaptisme. · 2. Encore un passage qui semble trahir la même origine. 3. (Test déja, sauf le ton, la celebre bontade de Voltaire: « Voyez lc Grand Ture : il gou- verne des guebres, des bunians, des chrétiens grecs, des nestoriens, des romains. Le premier ` qui veut exciter du tumulte est empale, et tout le monde est tranquille. »