Page:Ferrand - Fables et légendes du Japon, 1903.djvu/31

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faculté de se métamorphoser quand il lui plaît.

Il prend donc l’apparence de la vieille Tora, se revêt de ses habits, s’assied sur la natte, et tout en attisant le feu, attend le retour du mari.

Gombéiji est bien loin de se douter de ce qui s’est passé pendant son absence. Il quitte son champ à la tombée de la nuit et revient à la cabane, se délectant à l’avance, à la pensée du plantureux repas qui l’attend.

Il trouve la fausse Tora en train de faire bouillir la marmite :

— Tu l′as donc déjà tué ? lui dit-il en rentrant.

— Oui, répond-elle, j’ai pensé que tu aurais faim à ton retour. Tiens ! vois comme ça sent bon !

Et, en parlant ainsi, elle soulève le couvercle. De la marmite en ébullition, s’échappe une odeur, que le vieillard ne peut s’empêcher de trouver très étrange !

Puis, il dépose ses instruments de travail, se lave les mains, s’assied devant la minuscule table où il prend ses repas, se fait servir, et commence à dévorer avec appétit. Pauvre Gombéiji ! ne va pas si vite, et ne te délecte pas si fort ! Si tu savais ce que tu manges !… À peine a-t-il avalé la dernière bouchée, qu’il entend derrière lui un formidable éclat de rire. Il se retourne. Quelle n’est pas sa stupeur ! Sa vieille n’est plus là ! À sa place, le blaireau, qu’il avait cru manger ! Celui-ci, en effet, venait en un clin d’œil de reprendre sa forme naturel et riait à gorge déployée :