Page:Ferrandière - Œuvres, 1816.pdf/124

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
(116)

FABLE CII.

LE PAON ET LE MERLE.


L’oiseau favori de Junon
Se pavanoit dans un bocage,
Et de tout chantre ailé dédaignant le plumage,
Il étoit détesté des oiseaux du canton.
Merle joyeux ainsi lui rabaissoit le ton :
La vanité, vois-tu, ne vient que de sottise,
Et de bon cœur je ris de tes airs de grandeur,
De ce jargon plein de hauteur
Que par tout pays on méprise.
Notre paon le fuyoit, redoutoit ce moqueur,
Fermoit oreille et bec à toute leçon sage.
Faisant la roue un jour, s’admirant davantage,
Il est à travers le feuillage
Atteint des armes du chasseur ;
Il eut une aile fracassée
Et même une patte blessée.
Le merle entend ses cris, fend l’air et vole à lui :
Oh ciel ! lui dit le paon, fais-moi grâce aujourd’hui
De critique et de persiflage.
– Te voilà malheureux, je change de langage,
Et c’est, mon cher, de la meilleure foi :
De ma franche gaîté tu n’as plus rien à craindre.
Chasseurs sont déroutés, et je viens vite à toi
T’aider à te cacher, te soigner et te plaindre.
Ce paon sauvé, choyé, guérit, mais fut boiteux :
Il resta sot et partant glorieux.