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Chacun vouloit le voir, le plaindre, et l’admirer.
De ses nombreux exploits en retraçant l’histoire,
On imaginoit réparer
L’injustice faite à sa gloire :
Et pour mieux encor l’honorer,
Pour lui rendre un plus grand hommage,
À le louer un orateur s’engage.
C’étoit un philosophe, au voyageur vanté
Comme un esprit sublime et sage ;
De son mérite on tiroit vanité.
Aux lieux où chaque jour brilloit son éloquence,
De la multitude escorté,
Le héros vint prendre séance,
L’orateur se démène et parle très long-temps
(Toujours d’une voix de tonnerre)
De la célérité, du coup d’œil, des talens
Qu’exige l’état militaire.
Citadins, villageois, chacun l’applaudissoit :
Et tandis qu’il figure un siège, une bataille,
Croit frapper d’estoc et de taille
Tous les ennemis qu’il créoit,
Le grand capitaine bâilloit.
L’emphatique orateur enfin vient à se taire.
On demande aussitôt à notre conquérant :
Ce qu’il pensoit de cet homme éloquent.
Sans doute, ajoute-t-on, il aura su vous plaire ?
— Sur la philosophie il peut vous satisfaire,
Et physique et morale il peut fort bien traiter :
Mais sur le métier de la guerre,
Oh ! non, je n’entendis jamais tant radoter.

La vanité souvent égare la prudence.
Cet orateur nous offre une bonne leçon :