Page:Ferrandière - Œuvres, 1816.pdf/242

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
(40)

Je trouvois qu’il avoit eu tort
De nous donner un cœur sensible :
Oui, pour les femmes trop souvent,
Ce cher et funeste présent
Rend le bonheur presqu’impossible.
Le plus saint des engagemens,
Quelquefois aussi le plus tendre,
Est une source de tourmens.
De son époux il faut dépendre,
Et, par respect pour ses défauts,
Cacher les vôtres à propos ;
Et l’ingrate et folle jeunesse
De l’enfant que l’on chérissoit,
Abusant de notre foiblesse,
Vient flétrir, avant la vieillesse,
Le tendre cœur qui l’excusoit.
Ainsi dans ma mélancolie,
Trouvant plus de mal que de bien,
Je disois : N’est-ce pas folie
Que de respecter le lien
Qui nous attache à cette vie ?
Mais tout-à-coup dans ce moment,
Je vois paroître mon enfant ;
Il accouroit avec son père :
L’un me presse contre son sein,
Et l’autre en caressant ma main,
M’appelle du doux nom de mère.
Je sentis le chagrin s’enfuir
À cette scène attendrissante,
Et bientôt d’une voix touchante
Je dis, en pleurant de plaisir :
Il vaut mieux vivre que mourir.