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Non, non, ne le croyez pas, sire ;
Vous demandez la vérité,
Pourquoi donc ne pas vous la dire ?
Vous êtes craint bien plus que respecté.
On blâme tous les jours votre humeur sanguinaire,
Et vos plus beaux exploits passent pour cruauté.
Mais on prétend que si sa majesté
Se modéroit, changeoit son caractère…
Il suffit, repart le lion,
Je ferai mon profit de ta sage leçon ;
Pour aujourd’hui c’en est assez, ma chère…
À propos, j’oubliois, mais depuis très-long-temps,
De te défendre pour pâture
La verdure :
Tu ravages et bois et champs,
Et les prives de leur parure ;
Tes pareilles et toi dévastent la nature.
Mais je mourrai de faim, dit-elle en sanglottant,
Si vous me défendez et l’herbe et le feuillage ;
Je n’aurai plus de pâturage :
C’est m’arracher la vie, et bien injustement.
— En quoi ! vous résistez ?… quelle audace !… à son âge !…
C’est un crime qu’un roi ne pardonne jamais,
Il est au nombre des forfaits,
Et ma souveraine justice
Veut qu’à l’instant je le punisse.
Tout le monde applaudit, c’est l’usage des cours.
La chèvre à la clémence alloit avoir recours :
Elle espéroit du roi désarmer la colère ;
Mais un grand coup de dent pour toujours la fit taire,