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Qu’allant aux Iles Fortunées,
Avec sa frégate il périt ;
Votre récit n’est qu’imposture :
Ces doux liens du sang, mon cœur les sentiroit,
Et pour vous il s’attendriroit.
Oh ! comme l’intérêt dégrade la nature !
Ses yeux le reconnoissoient bien ;
Mais il auroit fallu lui rendre l’héritage
Que sans tarder il réunit au sien,
Et la cupidité redoute le partage.
De sa maison ce monstre le chassant,
Par charité lui donne un chétif vêtement,
Et lui défend d’y venir davantage.
Le voyageur sortit indigné, plein de rage :
Pour rentrer dans ses droits, vite il tourne ses pas
Vers les plus fameux avocats.
On l’écouta d’un air de négligence :
Sans papiers, mal vêtu, dépouillé de tout bien,
Mon ami, lui dit-on, l’affaire ne vaut rien ;
D’ailleurs il vous faudroit beaucoup d’argent d’avance.
— S’il me faut des secours, je n’en manquerai pas ;
J’ai deux oncles dans la finance,
Leur cœur est bon, ils me tendront les bras,
Et voudront à l’envi me tirer d’embarras.
Chacun d’eux, en effet, l’accueille avec tendresse :
On reconnoît et sa voix et ses traits ;
Mais sitôt qu’il s’agit d’argent et de procès,
L’un répond avec politesse :
Vous arrivez, mon cher, dans un mauvais moment ;
J’ai marié ma fille, et donne ma parole
Qu’il ne me reste pas seulement une obole.
L’autre dit : Quand je prête, oh ! c’est à vingt pour cent,
Et de plus il me faut un gage.