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Taillés Dieu sait comment ; et qu’en bonne nourrice,
A tenus sur ses bras le souple et vain caprice,
Jouant, faisant les fous, ne laissant après eux
Qu’un parfum de paresse et de moments oiseux…

Les voilà tous !… Eh bien ! rien ne semble leur dire
Qu’en un piège fatal leur père les attire ;
Ils ne soupçonnent rien ;… je fus toujours si bon !
Même un peu trop, peut-être… Eh ! pourquoi vivrait-on
Sinon pour que l’un l’autre on se souffre et s’endure ?…
Surtout de père à fils ? Il faut une âme dure
Pour vouloir… mais vois donc ces petits malheureux !
Ne sens-tu rien en toi qui te parle pour eux ?
Est-ce qu’ils vont ?… Soit ! mais, pour prix de ta constance,
C’est toi, non le bourreau, qui liras leur sentence.

Dépêche hein ! tu les vois déjà tous inquiets ;
Ne les fais pas languir… Ah ! si tu me priais
D’un tel service, ami, je serais moins lent ;… Jule,
Plus je te parle, et plus le moment se recule.
Quel plaisir y prends-tu ?… voyons, puisque c’est dit,
Qu’ils l’apprennent… Mon Dieu ! cœur cruel et maudit !
Tu te pinces la lèvre, et ne veux rien me dire ;
Tu balances sur eux la mort dans ton sourire…
Bon ! voilà qu’à leur tour…

(À mes vers.)

Bon ! voilà qu’à leur tour… Attendez, mes enfants !…
(À Jules.)
Si tu ne leur dis rien, vois-tu, je les défends.


jules, (d’un ton sec et impérieux).

À l’eau !…


moi, (avec une ironie navrée).

À l’eau !… C’est clair ! au moins ils savent tous qu’attendre.

mes vers, (d’un ton suppliant).

Quoi ! vous nous condamnez, père ?…


moi, (à mes vers).

Quoi ! vous nous condamnez, père ?…Veuillez m’entendre,
Pauvres petits si chers, victimes par le sort,
Qui veniez tout joyeux,… et veniez à la mort !
Hélas ! je vous aimai toujours, qu’il vous souvienne.
Mais une volonté plus forte que la mienne…
Jules, ce vieil ami, qui m’applaudît souvent,
Dont plusieurs d’entre vous montrent le chiffre au vent…
Eh bien ! c’est lui qui veut, qui dit… (il faut que j’ose…)
Que vous ne valez rien,… ou du moins pas grand’chose,
Et que par conséquent je dois, moi, pour tout lot,
Faire un paquet de vous… et vous jeter à l’eau.
Résignez-vous, amis, c’est le meilleur encore ;…
Mais je vous pleurerai !

jules, (me persifflant).

Mais je vous pleurerai ! Le regret te dévore.
Pauvre père amoureux ! tu les crois bien tournés ;
Mais si tu les montrais, on te rirait au nez.
Allons, dépêche aussi ; fais-toi l’âme assez dure,
Et cours anéantir cette progéniture…
La pierre au cou, surtout !

moi, (cherchant des objections).

La pierre au cou, surtout ! S’ils allaient résister ?…
ils sont nombreux.


jules, (continuant de persiffler).

ils sont nombreux.Poltron ! vas-tu pas hésiter ?
De fils aussi bien nés la révolte est indigne :
Tu les en as priés ; chacun d’eux se résigne…
Allons ! au dénoûment !