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XIV
PRÉFACE

aujourd’hui, qui parlent de science et de progrès, qui se figurent représenter l’esprit de notre époque et se chargent même de faire sa profession de foi, ne peuvent s’empêcher, dès qu’il s’agit de questions religieuses, de prendre un ton plus haut que d’habitude et de faire tomber sur nous, ainsi que d’une chaire sacrée, leurs bénédictions et leurs anathèmes, comme si ces questions n’étaient pas de même nature que les autres et que la raison et l’expérience ne fussent pas capables de les résoudre. Sans faire mention des poètes, des théosophes, des palingénésistes, des écrivains ; de bon ton et à la mode, que dire des soi-disant libéraux, des inventeurs de la religion naturelle, des Saints-Simoniens, des doctrinaires de l’Institut, du corps enseignant tout entier, de cette quintessence de l’esprit bourgeois ? Et ce qu’il y a de curieux, c’est qu’ils se croient des esprits forts, c’est qu’à les entendre la métaphysique est morte et qu’ils diraient presque, à la façon de Rabelais, que ce n’est plus qu’un système de paroles gelées. Sans doute la métaphysique est un point de vue cristallisé ; mais elle a du cristal l’éclat, la solidité, la régularité ; on peut en admirer la structure et étudier en elle l’organisation de l’esprit humain. Eux, ils se contentent de la dégeler au feu de leur sentimentalité banale et ils nous en servent la dissolution amorphe, inodore, incolore et insipide. Aussi personne ne leur est-il plus antipathique que Feuerbach. Pour lui il n’y a qu’hypocrisie, qu’outrage à l’humanité dans la bouche de ceux qui prononcent