Page:Feuerbach - La Religion,1864.pdf/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XXIX
PRÉFACE

de faits bien connu jette toujours une lumière immense et inattendue sur des milliers d’autres. Il est bon qu’il se trouve partout quelqu’un qui fasse la monographie de quelque chose, et dans chaque étude spéciale, malgré son caractère exclusif, il y a autant de respect pour l’individualité des êtres et autant d’égards pour les nuances les plus délicates que dans les créations poétiques les plus parfaites. La nature ne se laisse pas arracher ses secrets de vive force.

Dans le monde moral, le penseur n’a pas seulement pour objet d’étudier les phénomènes et d’en trouver les lois ; il a encore un but pratique dont la réalisation est entravée non par la difficulté de l’étude, mais par des causes d’un ordre bien différent. La nature est, l’homme devient. La nature est à chaque instant ce qu’elle peut et doit être, l’homme voit toujours devant lui quelque chose de mieux auquel il aspire. Les phénomènes naturels sont perpétuellement les mêmes ; les phénomènes moraux peuvent éprouver des modifications sous l’influence de la raison et de la volonté. Quand nous ne pouvons pas diriger les premiers selon nos desseins, nous gémissons de notre impuissance présente, mais sans trop nous sentir humiliés, et nous nous remettons à l’œuvre avec foi et patience, espérant être plus heureux à l’avenir. Quand, au contraire, il s’agit de lutter contre les désordres du monde moral ou contre les erreurs qui en sont la source, quand il s’agit des lois, de la justice, du droit, de la vérité, oh ! alors chaque effort suivi d’insuccès est pour nous comme une épée