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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

Quant à l’humitité et modestie chrétiennes, elles seraient entièrement fausses et erronées, si l’on voulait exceller par sa misère, il y aurait là une espèce d’orgueil intérieur, une sorte d’ambition et de préemption spiritualistes (III, 536). » « Du reste, l’état de l’innocence au paradis n’est bon que pour des animaux. Ce paradis est un parc, où les bêtes peuvent rester, mais point les hommes ; l’animal, en effet, ne sent aucune séparation douloureuse d’avec Dieu. La chute d’Adam c’est le mythe éternel de l’homme (Phil. de l’histoire. 333). »

« Quel grand et noble principe que celui qui se trouve dans la Raison pratique de Kant ! C’est que la liberté est réellement le dernier point pivotal, sur lequel l’homme tourne, la dernière et la plus élevée de toutes les positions où l’être humain ne se laisse plus imposer par qui que ce soit ; arrivé là, l’homme ne laisse plus subsister aucune autorité qui s’insurgerait contre la liberté humaine (III, 591). » « Dans le judaïsme le rapport entre Dieu et homme est exprimé par la formule de la crainte du Seigneur ; c’est le défaut absolu de toute liberté, un rapport comme entre un maître et son domestique (Phil. de la relig., II, 78), et le moi s’y évapore, pour ainsi dire, et va se disperser, ou se laisser absorber dans lui, l’Unique, le Seigneur ; c’est de l’égoïsme au fond, puisque le moi y est une identité abstraite avec soi-même. » — Or, sous ce point de vue l’homme n’a pas la moindre idée, pas la moindre expansion intellectuelle dont son âme aura besoin plus tard ; elle se contente encore du temporel, c’est toute sa richesse, toute sa réalité ; c’est bien peu… » « Le serviteur ne peut pas ennoblir de sa force la propriété qui lui est échue : le Seigneur doit la bénir ou la sanctifier, c’est la seule sanction, mais Sanction absolue et divine, qui y soit possible. » — « Cette possession y est déraisonnable, l’état du serviteur l’est donc nécessairement aussi. » — « Tout, tout y a été institué par Dieu, il n’y a pas de but universel, tout y est donné une fois pour toutes : c’est très simple, mais comme pétrifié, sans organisme, sans variété, la déduction des spécialités n’y est pour rien. La punition de même est un acte extérieur, un malheur arrivé du dehors, comme l’obéissance qui est aveugle ; il y a là des prières, des fois à exécuter par les serviteurs du Seigneur. Et ce qu’il y a de singulier,c’est l’énorme quantité d’exécrations, de malédictions et d’anathèmes de toute espèce, dont ce code religieux a